Pi
de
Darren Aronofsky.
Sans
doute l’exaltation,
puissante longtemps,
s’est éventée, depuis la première fois (non pas tout de suite à
la sortie du film en 1998, mais un ou deux ans plus tard), jusqu’à
cet article publié en 2013 (rédigé
7 ou 8 ans plus tôt)
dans la revue Ligne
de fuite
(http://www.lignes-de-fuite.net/article.php3?id_article=190),
mais en
aucun
l’admiration pour ce
film sublime, efficace dans sa narration, dans son rythme et sa
musique, dans la surexposition de l’image (un des plus beaux noir
et blanc du cinéma), dans son intelligence.
Été
japonais : double
suicide
de
Nagasi Oshima
(1967).
Au-delà du Pink
cinema,
appartient à cette vague internationale de films des années 60 sur
le thème de la révolution traité par une pure
rhétorique
cinématographique. Comme
Prima
della revoluzione
de Bertolucci (1964),
La
Chinoise
de Godard (1967),
le Voyage
à Niklashausen
de
Fassbinder (1970).
En l’occurrence me plaît bien moins que Sex
Jack
de Woji
Wakamatsu (1970)
qui est une pure merveille. Par
ses moyens de production proprement industriels (et fondamentalement
capitalistes, de la même manière que chacun de nous naît de la
rencontre d’un spermatozoïde et d’un ovocyte), le cinéma est
condamné à échouer dans l’agitation révolutionnaire. Même les
expériences-limite de Debord (et avant lui d’Isidore Isou) sont
voués à l’échec : c’est l’ennui. On ne peut pas faire
éclater le cadre de l’intérieur. En cinéma, et sans doute en
politique. Double aveuglement de la situation cinématographique.
À
cause de cette réplique modifiée de la Bête (quand Jeanne-Marie
Leprince de Beaumont écrit :
« Vous êtes le maître, répondit la Belle en tremblant. —
Non, répondit la Bête, il n’y a ici de maîtresse que vous. »
et
que Jean
Marais, lui, répond : « Non, il n’y a ici de maître
que vous. »),
j’ai regardé de
nouveau l’adaptation de Cocteau
(1946).
Si Josette
Day
est splendide (pas
Jean Marais),
l’ensemble demeure
médiocre. Je ne comprends pas l’enthousiasme que suscite Cocteau
et je le mets sur le compte de sa célébrité, c’est-à-dire
de sa longue et lente ascension parmi les vedettes culturelles de son
époque (Proust, Gide, Picasso…).
Plus mystérieux encore est l’admiration que lui portent les
Situationnistes, et je le mets, cette
fois,
sur le compte, peu glorieux, de l’arrivisme : c’est grâce à
Cocteau qu’ils émergèrent de l’ombre. Du reste, malgré toute
leur pureté idéologique, c’est bien à Cannes qu’ils le
rencontrèrent ! De Proust à Debord, voilà bien une
perspective amusante. Mais ni Orphée
ni La
Bête et la Bête ne
m’apparaissent comme des chefs-d’oeuvre. Bien meilleur Marcel
Carné (que
les Situationnistes admiraient aussi).
Mais leur opposition à la Nouvelle Vague, et à Godard en
particulier, aussi intéressante puisse-t-elle apparaître, est
largement tributaire d’une concurrence mesquine d’une jeunesse
qui cherche à s’afficher, la
première,
à la Une. Si
la rupture n’eut pu qu’advenir, il n’y a même pas eu l’étape
du rapprochement. C’est le côté antipathique de Debord : une
vanité ridicule dans sa jeunesse.
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