Les
Destinées
de Vigny. « La mort du loup ». Ce qu’on ne pouvait lire
au lycée : le récit paraissait contraire (le paraît encore,
dans une large mesure) à la poésie. La mort édifiante du loup
avait quelque chose de trop spectaculaire, et par suite de trop
facile. C’est toujours le cas. Malgré son héroïsme inutile
(sympathique parce qu’inutile – bientôt dandy).
Cette
morale, qui hésite entre la révolte et le stoïcisme, qui se teinte
d’une nuance assez originale de fait, entre en opposition avec les
lamentations de Chatterton et
avec ses larmoiements. « Le loup » date de 1838 (même
s’il est daté de 1843), Chatterton
de 1835. Contradiction
qui est plus une richesse qu’une incohérence.
La
séquestrée de Poitiers,
d’André Gide. Les chroniques judiciaires de Gide sont peu lues, et
même peu connues je crois. Drôle de retournement dans ce livre
presque
policier :
alors qu’on condamnerait unanimement la famille de Mélanie Bastian
pour l’avoir maintenue dans un tel état de dégradation (à
plus de cinquante ans, considérée comme malade mentale, elle
vivait nue, dans ses déjections, la fenêtre condamnée), le récit
nous invite à relativiser notre premier élan pour considérer la
possibilité qu’une telle situation n’a finalement rien de
criminel, ou ne l’est pas nécessairement. C’est, du reste, ce
qu’a jugé la cours de Poitiers. La
« schizophrénie » de Mélanie Bastian (j’emploie le
terme faute de mieux) offre, pendant les interrogatoires, des
réponses d’un
mécanisme passionnant, que Gide ne prend cependant pas la peine de
retranscrire entièrement, et qu’il balaye comme n’ayant pas de
sens. Dommage. La mort de sa mère, octogénaire, en prison parce
qu’emprisonnée (nous dirions aujourd’hui « en garde à
vue ») ne semble émouvoir personne (peut-être à cause de son
caractère et de ce qu’elle a accepté de laisser faire). Il
me semble cependant que c’est choquant.
La
Dame aux camélias
d’Alexandre Dumas fils. Récit de courtisane, typique du XIXe
siècle. Comme un film de genre qu’on irait voir au cinéma pour se
reposer. Un
peu trop facile quand même. Et puis le père avait une tout autre
envergure : ses sacrifices pour couvrir la campagne des Mille de
Garibaldi reste un épisode qu’on ne rappelle pas assez par
exemple. On comprendra pourquoi.
En
cherchant un texte sérieux sur Aliénor d’Aquitaine, on
tombe sur
des livres d’Yvan Gorbi et de Michel Onfray. Par
curiosité :
La
force du sexe faible. Contre-histoire de la Révolution française.
Avec toutes ses bêtises, son agressivité, ses saillies de
congestionné, ouvrir un livre de Michel Onfray est
difficile. Sa
tête ultra-médiatique est rebutante. Il nourrit plus que ceux qu’il
critique le système qu’il critique. Et puis il y a sa violence,
toujours très moche.
Cet
essai
commence – c’était immanquable – par une diatribe. Contre
Robespierre. Et, à partir de lui, contre Badiou, Zizek (qui a écrit
– je l’ignorais – cette phrase : « Notre
tâche aujourd’hui est de réinventer une terreur émancipatrice. »
qui rappelle celle, bien meilleure, bien plus franche, bien plus
profonde, de Guy Debord dans
Potlatch :
« Ce qui manque
à tous ces Messieurs, c’est la Terreur ! »), un
tas de morts plus ou moins connus,
et bientôt tous les Arrageois qui se sont prononcés pour la
création d’un musée Robespierre dans leur ville (un musée n’est
pas – ou ne devrait pas l’être – nécessairement un
encensement et une glorification : la musée de la Guerre à
Ypres
l’illustre à merveille),
qui sais-je encore… Peu
importe le propos de départ, tout le monde peut se prendre une salve
au passage.
Loin, très
loin
le temps de Théorie
du corps amoureux
où le propos n’était pas bouffi de haine grasse. Les émissions
de cet été sur Jésus, interceptées au hasard des routes estivales
en voiture, avaient quelque chose de comique dans ces raccourcis dont
le seul raccord était l’exécration. Dommage : un peu
d’humilité et plus de bienveillance auraient rendu, sinon son
œuvre, du moins son action favorable.
Les prises de position dans des débats érudits (ici l’implication
de Robespierre dans les exactions révolutionnaires à Nantes) se
fondent toujours sur des lectures hâtives d’archives qu’il
présente invariablement comme « imparables », et
dont il ne donne presque jamais les références précises. Il
conclue à partir de dates de discours ou de lettres,
et
y revoie par phatèmes son lectorat (« Allez lire, vous
verrez! »).
Il frôle la mauvaise foi dans sa démarche, et, plus qu’autre
chose, c’est déjà
fatigant. On
n’est à l’opposé d’un François Furet ou d’une Mona
Ozouf, qui sont pourtant ses références. Les notices, enfin, sont
maladroites, par cette suite assommante d’informations factuelles
qui, en l’état, sont inutilisables par les néophytes.
À
lire : Varlam Chalamov.
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