La
Médiocratie
d’Alain Deneault. Des pages flambantes sur la religiosité du
marketing, qui viennent,
dans une certaine
mesure, nourrir la réflexion sur la Valeur comme fétiche et sujet
automate (Politique
de l’extrême centre,
§8). Des pages flambantes sur la dynamique de centralisme des
mouvances de gauche. Sur l’université (pages qui s’appliquent
parfaitement à
la situation dans les lycées français). Sur le vocabulaire. Etc.
Des un peu moins convaincantes sur les « médiocres »
peut-être,
parce qu’un peu plus bavardes, moins nerveuses. Mais
l’ensemble reste explosif… et ne fait
pas long feu… On
aimerait dire que Deneault tombe dans le travers qu’il dénonce
lui-même, « Perdre
l’esprit », si
on doutait que cet argument fût repris par les thuriféraires de
l’ordre établi. Cependant, Deneault n’échappe pas au marasme.
« Surabondent les éléments objectifs par lesquels la pensée
se médiatise, à savoir les livres, les rapports, les œuvres qui
elles-mêmes sont composées de théories, de concepts, de données
factuelles. Il y a tant à considérer que l’esprit se découvre
encombré dans le chemin qui doit le mener à élaborer à son tour
une œuvre. Embourbé dans cette marée de productions scientifiques,
il risque à son tour de ne rien faire de mieux que d’ajouter au
lot un élément supplémentaire qui viendra à son tour accentuer le
phénomène. On s’éloigne alors considérablement du processus de
connaître, à savoir découvrir sa conscience et ce dont son esprit
est capable dans ‘‘le bonheur que toute œuvre, grande ou minime,
procure à son créateur’’. »
(La citation est de Georg Simmel). N’est-ce pas justement
l’impression qui nous prend
à la gorge
à la lecture de La
Médiocratie ?
Un autre livre brillant d’analyse critique de la société, avec un
nouveau concept qu’on trouve en « tête de gondole »
dans toutes les librairies ? À
quoi bon ? Ne faut-il mieux pas lire Hegel, Marx, Nietzsche,
Adorno,
Bataille ? N’est-ce pas cela qui nous incombe : faire le
tri dans la masse des livres à notre disposition ?
On finit par se demander comment la société peut être aussi
conservatrice, et même réactionnaire, quand on voit la production
et les ventes de tant de livres subversifs ! Ils sont pléthore,
et il suffit d’évoquer
le pavé que vient de sortir Georges Didi-Huberman, 685 pages –
rien que ça ! –, le 7 mars 2019, de Désirer,
désobéir
sous-titré tome
1 : ce qui nous soulève…
« Tome 1 » ! Des
hauts de cœurs, oui…
On rejoue la Grande Bouffe de Ferrari en mode contestation
de la pensée. Ce ne sont plus des « reliefs » de
consommation culturelle, mais – pardon
–
des chaînes de montagnes. Il faudrait en finir avec les pavés :
plus concrets, plus
concis,
ils sont
plus efficaces. Et,
sans paradoxe, plus généreux.
Les
pavés et les briques qui devraient servir à défoncer certaines
vitrines ne se révèlent que des éponges pleines d’eau. Il y a du
vice universitaire dans ces volumes indigestes : on écrit
beaucoup, on se complaît, on est brillant, mais finalement il n’y
a pas grand-chose d’impérissable.
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