Voilà ce que deux
siècles de machinations produisent.
Ce à quoi la vie et la
mort d'une Cité ressemblent.
Ce n'est pas l'iconographie qui s'impose, mais les macérations de couleurs, la décoction des crépuscules, les bains de pigments dans la graisse et la colle d’œuf, des confusions d'ocre et d'argent, une dégringolade de dégradés, des poudres de gris, de bruns, de bleus et de verts foncés,
le fil vermillon que
tient l'écureuil au-dessus de la Vierge. Des cyans acides, des
crispations et des finesses dans l'ossature, dans les mâchoires,
dans les zygomas. Un parchemin de peauciers. Des transversales et des
projections d'angles. Un tas de détails qui s'accumulent, se
combinent et se déplacent.
Ça ne représente rien d'autre que le niveau (le degré) de civilisation atteint par Ferrare vers 1470.
C'est-à-dire toute l'énergie concentrée et dépensée en pure perte, sans autre finalité que d'être dépensée.
Qui est liée au nom de
la famille Este, à celui d'artistes, à celui du peuple anonyme
aussi, mais qui n'a pas besoin de ces référents.
Car même si on se penche un instant sur l'iconographie des planches (ce sont les volets de bois d'un orgue), que lit-on ?
Pas
plus (ni moins) que ce que la matière nous dit.
Pas
plus ni moins que Saint-Georges – protecteur de la Ville, celui
qui rayonne par sa bravoure autant
que par son armure : par tout ce qui émane de lui et par tout
ce qui se reflète sur lui.
Et
l'Annonciation, cette
diffusion silencieuse d'une ardeur.
La
thématique semble être imposée par la matière. La thématique est
la matière, nécessairement
mouvante et jamais
inerte (malgré, parfois, son apparence).
C'est l'automne.
Une
poire pèse sur une branche.
Il y a à Ferrare une obsession de la décadence. Mais c'est en fait ce silence de feu qui fait vibrer la matière et la porte juste au-delà du point culminant de sa puissance. Au début de l'apodose. Ce sont les alluvions du Pô déposées, repoussé, revenu, les marécages, les tremblements de terre et les flux humains.
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