La figure de Malcolm X
dans le film de Spike Lee n'est pas positive. Sans avoir lu de propos
du réalisateur, on peut penser qu'il ne s'agit pas d'une
condamnation plus ou moins subtile (même si la volonté de donner à
voir les défauts du personnage est évidente – qui n'a pas de
défaut ? Et qui accepterait aujourd'hui un pur film de
propagande ?) mais de la volonté de montrer l'homme d'exception dans
toute son humanité, c'est-à-dire ses défauts. Figure de l'individu
rongé par une puissance intérieure qui ne cherche qu'à s'exprimer
extérieurement et face aux autres, à bien y réfléchir, le film ne
le représente que se coulant dans des moules préconçus qui
s'offrent à lui de manière à la fois aléatoire et arbitraire :
celle du jeune minet, celle du petit caïd, celle de l'apprenti
politicien, enfin celle du sage prophète. Cette dernière, très
courte (de son éviction de la Nation of Islam, en mars 1964,
à son assassinat en février 1965) semble être la finalité de sa
destinée. Il y a un mouvement téléologique (qui se double ici d'un
aspect théologique qui fait de Malcolm X un prophète) qui mène du
petit bonhomme au Grand Homme, c'est-à-dire à l'homme politique,
l'homme civique, à l'homme d’État (à qui l'on dédie enfin une
rue à New York) – et il est bon d'insister sur « homme »,
puisque ce n'est pas à l'égalité de tous que vise Malcolm X, mais
à celles des seuls hommes, puisque les femmes doivent demeurer
inférieures et soumises comme il est bien précisé – et critiqué
– dans le film.
Mais ce n'est pas
suffisant. Il ne suffit pas de montrer l'homme dans ses faiblesses
pour le dédouaner de ses erreurs, ou pire, pour l'accréditer dans
son rôle de prophète (ou simplement de « Grand Homme »).
On en reste à une conception très américaine : un mythe, un
modèle, un succès accessible à tous grâce au caractère et à
l'effort individuels, grâce à Dieu aussi (n'importe lequel du
moment que l'on reste dans le monothéisme), et, au final donc, un
encensement du système tel qu'il existe, même si on en reconnaît
par ailleurs les défauts et les travers.
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