vendredi 22 mars 2019

Reliefs de la consommation culturelle du 19 mars 2019 - Pour en finir avec les pavés qui ne sont que des éponges



La Médiocratie d’Alain Deneault. Des pages flambantes sur la religiosité du marketing, qui viennent, dans une certaine mesure, nourrir la réflexion sur la Valeur comme fétiche et sujet automate (Politique de l’extrême centre, §8). Des pages flambantes sur la dynamique de centralisme des mouvances de gauche. Sur l’université (pages qui s’appliquent parfaitement à la situation dans les lycées français). Sur le vocabulaire. Etc. Des un peu moins convaincantes sur les « médiocres » peut-être, parce qu’un peu plus bavardes, moins nerveuses. Mais l’ensemble reste explosif… et ne fait pas long feu… On aimerait dire que Deneault tombe dans le travers qu’il dénonce lui-même, « Perdre l’esprit », si on doutait que cet argument fût repris par les thuriféraires de l’ordre établi. Cependant, Deneault n’échappe pas au marasme. « Surabondent les éléments objectifs par lesquels la pensée se médiatise, à savoir les livres, les rapports, les œuvres qui elles-mêmes sont composées de théories, de concepts, de données factuelles. Il y a tant à considérer que l’esprit se découvre encombré dans le chemin qui doit le mener à élaborer à son tour une œuvre. Embourbé dans cette marée de productions scientifiques, il risque à son tour de ne rien faire de mieux que d’ajouter au lot un élément supplémentaire qui viendra à son tour accentuer le phénomène. On s’éloigne alors considérablement du processus de connaître, à savoir découvrir sa conscience et ce dont son esprit est capable dans ‘‘le bonheur que toute œuvre, grande ou minime, procure à son créateur’’. » (La citation est de Georg Simmel). N’est-ce pas justement l’impression qui nous prend à la gorge à la lecture de La Médiocratie ? Un autre livre brillant d’analyse critique de la société, avec un nouveau concept qu’on trouve en « tête de gondole » dans toutes les librairies ? À quoi bon ? Ne faut-il mieux pas lire Hegel, Marx, Nietzsche, Adorno, Bataille ? N’est-ce pas cela qui nous incombe : faire le tri dans la masse des livres à notre disposition ? On finit par se demander comment la société peut être aussi conservatrice, et même réactionnaire, quand on voit la production et les ventes de tant de livres subversifs ! Ils sont pléthore, et il suffit d’évoquer le pavé que vient de sortir Georges Didi-Huberman, 685 pages – rien que ça ! –, le 7 mars 2019, de Désirer, désobéir sous-titré tome 1 : ce qui nous soulève… « Tome 1 » ! Des hauts de cœurs, oui… On rejoue la Grande Bouffe de Ferrari en mode contestation de la pensée. Ce ne sont plus des « reliefs » de consommation culturelle, mais – pardon – des chaînes de montagnes. Il faudrait en finir avec les pavés : plus concrets, plus concis, ils sont plus efficaces. Et, sans paradoxe, plus généreux. Les pavés et les briques qui devraient servir à défoncer certaines vitrines ne se révèlent que des éponges pleines d’eau. Il y a du vice universitaire dans ces volumes indigestes : on écrit beaucoup, on se complaît, on est brillant, mais finalement il n’y a pas grand-chose d’impérissable.


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